Avec la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », le législateur a défini un référentiel anti-corruption fort, inspiré des standards internationaux. Cette loi crée également l’Agence Française Anticorruption (AFA), qui s’est vue confier une mission de contrôle et de conseil, notamment des acteurs publics.
L’AFA a, au cours de l’année 2019, ouvert 36 contrôles dont 16 ont porté sur des acteurs publics.
Nous commencerons par essayer de caractériser le phénomène de la corruption en France avant d’examiner les dispositifs de prévention prônés par l’AFA, ainsi que leur mise en œuvre effective par les acteurs public locaux.
Le terme de «corruption » dans son acception générale est utilisé couramment et fait allusion à différentes formes de corruption (corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, pantouflage, détournement de fonds publics, favoritisme et concussion) mais il convient de noter qu’il existe une appellation juridique permettant d’embrasser l’ensemble de ces infractions et connue sous le terme « atteintes à la probité ».
Les manquements à la probité ne sont pas propres à la période actuelle, ils ont sans doute toujours existé, mais la période actuelle se caractérise par le fait que la société s’en accommode de moins en moins bien, et à mesure que les exigences citoyennes ont crû : en 2018, les parquets ont traité 823 affaires relevant de ces infractions, ce qui constitue une hausse de 24,5% par rapport à 2013. La corruption représente la majeure partie des condamnations, avec 45,8% des cas
Ci-dessous une répartition des condamnations en matière d’atteinte à la probité en 2018 :
A côté de la mesure de la sanction, qui en soi même montre l’importance du phénomène corruptif, existe une mesure de la perception citoyenne de la corruption : la Commission européenne établit depuis 1999 un Eurobaromètre, à intervalles réguliers, le dernier millésime étant 2019, permettant de mesurer le degré de perception de la corruption par les citoyens européens. Les données par pays permettent une mise en perspective européenne.
Il convient maintenant d’examiner le cadre de prévention de la corruption des acteurs publics, tel qu’il est défini par l’AFA.
Ce cadre se compose de plusieurs éléments que nous allons énumérer en apportant quelques précisions succinctes.
Le rapport annuel d’activité de l’année 2019 de l’AFA tire un portrait assez pessimiste de l’engagement du secteur public dans la lutte anticorruption, et parle d’une « maturité assez faible » de leur part. Il s’agit toutefois d’un enseignement tiré des contrôles opérés, encore peu nombreux.
Les mesures et procédures de prévention et de détection sont qualifiées d’ « éparses et incomplètes », et ne s’appuient pas sur une cartographie des risques.
Les obligations légales en matière de déontologie seraient inégalement suivies, et au-delà, la maitrise des risques serait peu développée : très peu de cartographies des risques ou de code de conduite sont mis en place par les acteurs publics.
Afin d’aller plus en détail, nous pouvons examiner
Le rapport d’analyse portant sur cette enquête décrit les dispositifs de prévention comme méconnus et peu déployés.
Les principales données de l’enquête sont résumées dans le tableau suivant :
On observera la présence d’un plan anticorruption pour seulement 7,3% des entités publiques locales, et, comme le souligne le rapport dans le texte – même si ce plan existe, toutes les composantes contenues dans la loi Sapin II ne sont pas déployées.
Une des données de cette enquête de l’AFA qui peut nous amener à nous interroger est l’évaluation des connaissances des infractions d’atteinte à la probité des agents du secteur public local.
En effet, seulement 27,6% des personnes ayant répondu à l’enquête ont déclaré pouvoir définir 3 manquements à la probité. Ainsi, même si la plupart des agents semblent en capacité de définir la corruption, les autres infractions d’atteinte à la probité ne sont pas encore connues de façon uniforme.
Le manque de connaissance sur ces questions semble être un obstacle à l’efficacité d’un plan anticorruption : un lanceur d’alerte ne peut dénoncer qu’un fait qu’il sait être une infraction, et les instances dirigeantes ne peuvent s’impliquer dans la prévention de la corruption seulement en ayant connaissance des infractions et de leurs qualifications.
Il est aussi intéressant de noter (comme le fait le rapport d’analyse de l’enquête) que 71,2% des entités n’ayant pas de plan ou de mesures anticorruption se sont justifiées en qualifiant le risque comme faible ou maîtrisé. Or, aussi surprenant que cela puisse être, 1,7% seulement des entités en ont réalisé une cartographie des risques. Dans ces conditions, affirmer majoritairement que le risque de corruption est faible sans l’avoir même recherché relève de l’affirmation infondée.
Cette cartographie des risques montre son utilité lorsque l’on réalise que 58,2% des entités en ayant organisé une ont renforcé leur contrôle interne à sa suite.
Il semble que les acteurs publics aient une confiance inexpliquée et infondée dans l’intégrité des agents et des élus. Un plan anticorruption serait une action inutile, alors que le respect des principes de déontologie et de probité est une garantie de la bonne répartition des deniers publics et du bon fonctionnement de l’administration. Un plan anticorruption solide permettra aussi aux agents d’éviter les risques pénaux et disciplinaires qui punissent les atteintes à la probité.
Il convient toutefois de noter l’existence de nombreuses autres obligations concourant à la prévention des atteintes à la probité devant s’articuler avec la loi Sapin 2 et les recommandations de l’AFA. La compréhension par les collectivités territoriales de la meilleure façon d’établir un plan anticorruption n’était donc pas chose facile.
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